Psaume 24(23),1-2.3-4ab.5-6.
Lettre de saint Paul Apôtre aux Romains 1,1-7.
Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu 1,18-24.
************
Voilà un récit que l’on nomme également « l’annonce faite à Joseph ». Sur un plan purement logique, après l’annonce faite à Marie, comment Joseph allait-il, lui aussi, entrer dans ce projet qui a priori n’était pas le sien ?
Or, son rôle n’est pas négligeable, car si Marie porte
l’enfant, par sa nature de femme, c’est Joseph qui fait enter l’enfant dans la
lignée de David, afin que les Écritures s’accomplissent.
Le récit suscite plusieurs questions ; il nous pose
personnellement plusieurs questions.
Comment Dieu s’adresse-t-il personnellement à nous ?
C’est une question qui est de l’ordre de l’intime, car il
n’y a pas de plus intime que la relation avec Dieu quoi qu’en disent des
croyants au goût expressionniste.
Comment pouvons-nous entrer dans un projet qui à l’origine
n’est pas le nôtre et qui semble s’imposer à nous ?
Que nous révèle ce récit de l’entrée de Dieu dans le monde
de la chair ?
Comment Dieu se communique-t-il à nous ?
Dans le récit de l’annonciation à Joseph, on a la figure de
la révélation du dessein de Dieu dans un songe. Joseph n’est pas le premier
sujet biblique à avoir ce genre d’expérience. On dirait qu’à chaque culture, à
chaque époque, et probablement chaque personne a son langage propre.
À ce sujet, j’aime bien rappeler une histoire que je trouve
assez exemplaire. En randonnée avec deux amis dans les Alpujarras dans le sud
de l’Espagne un été. Il faisait une chaleur terrible. Nous étions perdus et à
court d’eau. Alors survint un homme, sorti de nulle part dans ces bois. Il nous
indique le bon sentier pour gagner le village le plus proche afin de nous
mettre à l’abri, puis disparaît dans les fourrés comme il est venu. Rien de
spécial, un bon samaritain qui passait par là, sans doute….
Cet événement a beaucoup intrigué l’un de mes amis qui était
un agnostique. Que l’on reçoive de l’aide de cette façon et en ce moment
critique, par un personnage qui apparaît puis disparaît aussi vite, n’allait
pas de soi. Pour lui, il y avait dans cette scène un je-ne-sais-quoi qui
sortait du cadre !
La manière dont Dieu s’adresse à chacun est de l’ordre de
l’intime, donc, on ne va pas poser des questions sur le pourquoi du comment.
Néanmoins, dans le cadre de cet événement dans les Alpujarras, j’aurais pu dire
à mon ami agnostique : je sais que tu sais que je sais à quoi tu
penses !
Le Dieu du ciel est avant tout le Dieu qui prend soin des
hommes, ou du moins de ceux qui se fient en lui.
Ceux qui en ont l’expérience reconnaissent le langage, car
il est constant.
Comment pouvons-nous entrer dans un projet de vie qui n’est
pas le nôtre ?
Joseph est entrainé dans un projet de vie qui originellement
n’est pas le sien.
Pour les hommes en général, ce genre de situation est
insurmontable, car ils veulent d’abord transmettre leurs gènes, pas ceux des
autres. C’est notre cerveau reptilien qui nous le commande. D’ailleurs, Joseph
pense à la répudiation discrète comme première solution. Admirons au passage sa
grandeur d’âme.
En acquiesçant, Joseph se retrouve dans un projet qui
l’honore, car Jésus devient le fils de Joseph ; et quel fils !
Soulignons au passage que nos enfants nous entrainent dans
des projets qui ne sont pas les nôtres. Ils nous embarquent à vie dans leur
projet de vie, et dans les meilleurs des cas, nous nous en réjouissons. Parfois
pourtant, la trajectoire peut être délicate et mouvementée.
Dans le monde du travail et en particulier, dans les
secteurs très compétitifs, nous pouvons être entrainés dans des projets qui
nous font grandir comme être humain. Parfois aussi, et même souvent, ces
projets peuvent nous dégrader, nous avilir, puis nous laisser sur le cahot, car
les donneurs d’ordre n’enterrent pas les morts.
Être entrainé dans le projet d’un autre est une réalité
finalement assez courante. Il n’y a pas que Dieu à appeler des hommes et des
femmes à des aventures qu’ils n’avaient jamais envisagées, avec la différence
qu’il nous dit qu’il s’agit bien de notre aventure. C’est lui qui le dit, dans
le langage dont nous sommes les seuls à en connaître le code.
Enfin, que nous apprend ce récit sur la manière dont Dieu
entre dans le monde de la chair ?
La venue de cet enfant était annoncée de longue date à
Israël. Isaïe et d’autres prophètes n’ont cessé de le répéter :
« Voici que la vierge est enceinte ; elle
enfantera un fils qu’elle appellera Emmanuel ».
Qui sera sollicité pour cette œuvre ? Voilà la
question. Finalement, c’est toute l’histoire d’Israël qui est gravide de cet
enfant.
On voit bien que le Dieu du ciel ne vient pas d’en haut
comme un météorite. Il vient du fin fond de nos entrailles. Il vient du fond de
notre être. C’est là qu’il se tient, et il frappe à notre porte.
Le laisserons-nous passer ? Allons-nous l’empêcher de
passer par toute sorte d’arguments savants et rationnels? Allons-nous l’empêcher
de se manifester ? C’est là toute la question.
Si nous le laissons passer, si nous le laissons apparaître,
si nous le laissons se manifester dans notre chair, alors notre chair devient
logos, et c’est là toute la différence.
Prions le Seigneur pour que cette lumière qui nous vient de
la Nativité se manifeste en nous.
Amen.
Père Roland Cazalis, image http://s2.dmcdn.net/OTi4H/1280x720-KFL.jpg
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire