Premier livre des Rois 17,17-24.
Psaume 30(29),3-4.5-6ab.6cd.12.13.
Lettre de saint Paul Apôtre aux Galates 1,11-19.
Évangile de Jésus Christ selon saint Luc 7,11-17.
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La femme dit à Élie, après
que son Fils lui ait été rendu, « je sais que dans ta bouche, la parole du
Seigneur est véridique ».
La parole du Seigneur est
véridique. La femme le sait ; ce n’est pas la question ici.
La question est la
suivante : est-ce que c’est la parole du Seigneur qui est dans la bouche,
quand je la prononce ? Ou, est-ce simplement
ma parole, mes propos ?
Est-ce que le Seigneur est
dans ce que je dis ? C.-à-d. est-ce que la Parole de Dieu fait ce qu’elle
dit quand je la prononce ? Sur ce point, nous retrouvons toute la
problématique des sacrements.
Bien entendu, je ne maîtrise
pas le Seigneur ! Je ne maîtrise pas la Parole. Je ne suis pas capable de
faire faire à la Parole ce que je dis.
En revanche, je peux être
habité par la Parole de Dieu, je peux être habité par l’Esprit de Dieu, comme Élie,
au point de savoir : que demander, quand demander, et dans quelle
circonstance, puisque cela m’est inspiré sur le moment.
Alors, Élie demande au
Seigneur de remettre cet enfant dans le monde de la vie. Et c’est ce qui est
fait.
Élie aurait pu demander autre
chose !
En effet, ce n’est pas parce
que le fils est décédé qu’il faut le ramener à tout prix à la vie d’avant.
Car, ce n’est pas systématiquement
la solution même s’il s’agit d’une épreuve pour celui ou celle qui se retrouve
esseulé suite à la perte de son unique.
Formellement, nous n’avons
pas l’avis du fils sur sa préférence, s’il préférait partir, rester ou
revenir! Son avis compte aussi, puisqu’après tout, il s’agit de sa vie.
Mais Élie, parce qu’il est
habité par la Parole, demande ce qu’il faut demander, et ce qu’il demande correspond
à la vérité de la situation.
Ce faisant, il ne fait pas
violence au désir du fils en le ramenant à la vie, bien au contraire.
En l’occurrence, ce n’est pas
seulement un homme habité par la Parole de Dieu qui est confronté à une
situation similaire, mais la Parole de Dieu en personne, la Parole de Dieu en
chair et en os.
Et ici, la Parole ne demande
pas ; elle dit, elle se dit et elle se fait.
Remarquez que ni la femme
auprès d’Élie ni celle du récit évangélique ne demandent quoi que ce soit formellement.
La demande n’est pas formulée
verbalement ; mais elle est quand même perceptible.
Et cette demande n’échappe
pas à la Parole en personne ni à celui dont elle fait sa demeure.
Nous pouvons appréhender
cette perception de la demande par le biais de la compassion.
Oui, Élie est pris de
compassion. Le Christ est saisi de compassion pour cette veuve.
Que devons-nous faire quand
nous sommes saisis de compassion face à une situation de détresse? Là est
la question !
En fait, être saisi de compassion
de la sorte, être ébranlé dans la profondeur de son être, nous donne aussi la
tête froide (le discernement) pour agir à bon escient et entreprendre une
action dans la durée !
En général, cet ébranlement
des profondeurs m’amène à entrer dans une action durable pour répondre à la
demande qui m’est adressée personnellement.
Voyez, on n’est pas ébranlé de
la sorte à tout bout de champ par des situations limites, car elles sont
innombrables.
En revanche, nous sommes
sollicités par l’une ou l’autre chose personnellement.
En matière d’écoute ou de
perception de situation qui nous sollicite personnellement, j’aime bien
rappeler un propos de Dom Grammont, quand il était le Père Abbé de l’Abbaye du Bec-Hellouin
en Normandie. Il disait : « le
soir, au fond de sa cellule, le moine entend le cri des hommes ».
Il entend le cri des hommes,
non pas en lisant les journaux et en regardant les nouvelles sur son
Smartphone, mais parce qu’il est un vrai moine.
Entrer au monastère en effet,
c’est faire la promesse d’entrer en soi-même, d’entrer dans l’humanité, d’aller
loin dans ce chemin d’humanité.
Ayant ainsi descendu au fond
de son humanité, le moine rejoint la communauté humaine, et par là même, il
devient un réceptacle de ses cris.
Ce faisant, il ressent ce que
Dieu ressent devant les situations humaines ; il ressent le désir d’opérer
le salut : il devient peu à peu corps du Christ.
Sa disponibilité au Seigneur,
c.-à-d. son ora et labora (prie et travaille), est sa manière de
participer au salut.
Et si le moine est capable
d’entendre le cri des hommes, à plus forte raison Dieu.
Eh bien, nous sommes appelés,
nous aussi comme le vrai moine, à être témoin de l’écoute de Dieu, à ressentir
ce qu’il ressent, d’avoir le désir de redonner la vie ou de remettre dans le
monde de la vie ceux dont nous percevons le cri. Nous sommes appelés à devenir
corps du Christ, dans la vie qui est la nôtre, dans notre inscription
familiale, professionnelle, etc.
C’est pourquoi nous devons
prier les uns pour les autres, c’est pourquoi nous devons nous soutenir les uns
les autres, afin que « la Parole du Seigneur soit véridique en notre
bouche ».
Amen.
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