Exode 32, 7-11.12-14
Psaume : 50 (51)
1ière lettre de saint Paul à Timothée : 1, 12-17
Evangile selon saint Luc : 15, 1-32
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Pour une fois, la deuxième lecture fait office de juge de
paix entre la première et la troisième lecture. En effet, Paul fait une
relecture de sa vie et termine sa lettre par une action de grâce.
Sans la relecture, on reste dans le brouillard, ou l’on
reste un analphabète sur la chose la plus importante qui soit, à savoir, sa
propre vie.
La relecture est une grande intuition humaine, et elle date
bien avant l’ère chrétienne. On la retrouve bien évidemment dans la philosophie
antique, qui entendait la philosophie comme manière de vivre.
On pourrait reprendre une formule attribuée à Pythagore,
l’homme du fameux théorème.
Ainsi, dans ce qu’il est convenu d’appeler les « Vers d'Or de Pythagore » ou
attribués à Pythagore :
On peut lire l’extrait suivant :
« Ne permets pas que le doux
sommeil se glisse sous tes yeux,
avant d'avoir examiné chacune des
actions de ta journée.
En quoi ai-je fauté ? Qu'ai-je fait
? Qu'ai-je omis de ce qu'il me fallait faire ?
Commence par la première à toutes
les parcourir.
Et ensuite, si tu trouves que tu as
commis des fautes, gourmande-toi ;
Mais, si tu as bien agi,
réjouis-toi.
Travaille à mettre ces préceptes en
pratique, médite-les ; il faut que tu les aimes,
Et ils te mettront sur les traces
de la vertu divine,
J'en jure par celui qui transmit à
notre âme le sacré Quaternaire,
Source de la Nature dont le cours
est éternel. »
Voilà pour « l’examen de
conscience » selon ‘Pythagore’.
Dans une perspective chrétienne, en
plus d’examiner « En quoi ai-je fauté ? Qu'ai-je fait ? Qu'ai-je omis de
ce qu'il me fallait faire ? », il faudrait également analyser « qu’ai-je reçu ? », car il
n’y a pas que moi à œuvrer pour moi ; d’autres y pourvoient également. Et
il faut savoir rendre à César ce qui lui revient, et à Dieu de même.
La relecture est donc orientée vers l’unification de
l’existence, à vivre en intelligence avec soi-même, avec les autres, avec Dieu,
la recherche de la vie bonne. En la pratiquant régulièrement, on acquiert le
vocabulaire et la grammaire de sa propre existence.
À savoir, comment je fonctionne ? Qu’est-ce qui
m’arrive ? Sur quoi je dois être vigilant pour que la vie demeure
fluide et bonne? Quel est mon péché ? Il paraît que chacun en a un, qui le
fait souffrir, c’est pourquoi il le reconnaît.
Par la pratique de cet exercice, je cesse peu à peu d’être
un analphabète de ma propre existence.
C’est ce que fait Paul, dans sa lettre à Timothée. Il se
rend compte qu’il a été un blasphémateur, un persécuteur, un violent
Mais il reconnaît qu’à l’époque, il était un ignorant, un
analphabète du langage du Christ. Il n’avait pas la foi.
Puisqu’il était un persécuteur, le Seigneur aurait pu le
mettre de côté, ou le neutraliser. Peut-être l’aurait-il mérité ! Il ne
l’aurait pas volé, comme on dit dans ces cas-là.
Mais le Seigneur n’a pas agi de la sorte, il n’a pas agi
suivant cette logique, ou cette justice du monde. « Le seigneur a renoncé
à ce type de mal » comme le dit le texte de l’Exode.
Autrement dit, si cela avait été moi, je l’aurais certainement
neutralisé sans ménagement, tout comme il avait approuvé sans ménagement la
lapidation du diacre Étienne.
Mais le Seigneur ne rend pas le mal pour le mal.
Paul reconnaît aussi qu’il a été comme cette brebis perdue, brebis
qui s’est écartée des 99 autres, car elle se croyait plus maligne que les
autres.
Mais le Seigneur est parti à sa recherche et à sa rencontre,
et l’a ramenée dans le monde de la vie ; et le Seigneur s’en est réjoui !
Oui, le Seigneur se réjouit chaque fois
qu’un être est sauvé de la mort certaine.
S’agissant de Paul, par son Esprit, il lui a donné la
sagesse pour comprendre, et le langage d’un disciple.
Et maintenant, il confesse :
« Le Christ Jésus est venu dans le monde pour sauver
les pécheurs, et moi, je suis le premier des pécheurs ». Je peux le dire
aujourd’hui, car je suis vivant !
La relecture me fait voir : où est-ce que la vie m’a
été donnée. Quand est-ce que le Seigneur s’est interposé pour déjouer les plans
du malfaiteur, alors que, sur le coup, je ne me suis même pas rendu compte !
Quand est-ce qu’une porte s’est ouverte dans le mur, alors qu’il n’y avait pas
de porte pour passer. Je ne suis pas dupe ! Je ne peux pas nier ces
faits !
Oui, Dieu, c’est du concret ! Il se manifeste dans le
concret de l’existence, pour autant que l’on veuille se donner la peine d’acquérir la grammaire pour
commencer à ânonner le récit de sa propre existence.
La relecture concerne les événements du quotidien, mais elle
concerne une autre dimension de l’existence, à savoir, la trajectoire,
l’horizon vers lequel on marche et qui nous attire, et le sentier que l’on
construit en avançant vers lui.
Cet horizon, chacun le sait, ou l’a toujours su, car il
vient du fond de chacun, même si au début de l’existence, il peut être diffus
et a besoin de temps pour se préciser, pour qu’il se délimite.
Ainsi, en est-il du Christ. Personne ne pouvait lui révéler
qu’il était le messie. Ce genre de savoir vient de ses tréfonds. Et quand Jean
le Baptiste l’a désigné, il l’a fait à ses propres disciples, qui du coup l’ont
quitté pour le rejoindre.
Et même Jean eut quelques doutes à ce sujet. Es-tu celui qui
devait venir ou devons-nous en attendre un autre ?
L’action de grâce vient du fait de se rendre compte d’être dans
le chemin de la vie, et d’avoir été rattrapé au vol et remis sur la bonne
piste. Que l’on est là où le Seigneur nous attend, car dans ce chemin, nous
trouvons la consolation et la paix qui est un autre nom de la joie.
Prions le Seigneur pour que nous sachions rendre grâce en
connaissance de cause, c.-à-d. d’après la grammaire de notre existence.
Prions le Seigneur pour que nous soyons bien dans notre
chemin d’humanité, et comme disait Jeanne d’Arc, « - Si je n'y suis, que
Dieu m'y mette; si j'y suis, que Dieu m'y garde ! »
Amen.
Père Roland Cazalis ; image http://www.marie-paule-dessaint.com/DATA/TEXTEDOC/relire-sa-vie-conference-marie-dessaint-5.jpg
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