Livre de l'Ecclésiastique 3,17-18.20.28-29.
Psaume 68(67),4-5ac.6-7ab.10-11.
Lettre aux Hébreux 12,18-19.22-24a.
Évangile de Jésus Christ selon saint Luc 14,1.7-14.
****
Dans la méditation ignacienne,
les préambules sont de grande importance.
Tout d’abord, il faut choisir
le lieu où l’on va faire la méditation et la posture dans laquelle on va opérer
de manière à être à l’aise.
Ensuite, il faut se rappeler
le texte sur lequel on veut méditer, demander a grâce que l’on veut obtenir
dans cet exercice spirituel, etc.
Il y a aussi la composition
des lieux, c.-à-d. le fait de se représenter la scène du récit, les lieux, les
personnages, la situation. Le fait aussi de prendre place dans la scène,
d’entrer physiquement dans la scène avec donc son corps, par l’imagination.
S’agissant du repas du récit
évangélique du jour, chez un notable, un chef de pharisien, donc outre
l’intérieur et la disposition de la salle avec les convives qu’il faut se
représenter, il faut savoir où je vais m’asseoir ? Où vais-je me placer ?
À côté du Christ pour l’écouter ? En face du Christ pour l’observer comme
font les pharisiens ? En face du Christ pour le contempler ? La place
n’est pas anodine et chacun choisit sa place en fonction de ce qu’il cherche et
désire dans la méditation.
D’après la mise en scène que
fait Luc, il ne semble pas que les pharisiens soient là pour être à côté du
prince et profiter de son aura, c.-à-d. espérant qu’un peu de sa lumière
rejaillisse sur eux.
En général, quand on se met à
côté d’un grand personnage, quelqu’un qui est dans la lumière, ou quelqu’un qui
passe pour être la lumière même, alors on devient comme la lune par rapport au
soleil, on brille aussi !
Dans la scène, les pharisiens
l’observent. C’est un homme sous surveillance ! On n’est pas vraiment dans
un climat de communion.
De toute façon, le Christ est
l’antithèse du personnage de qui l’on s’approche pour briller par lui et avec
lui.
D’ailleurs, ce qu’il dit ne
va pas améliorer l’ambiance !
Recevoir ceux qui ne peuvent
pas vous rendre la pareille, - cela peut être simplement un café- , cela
revient à les traiter avec la dignité d’être humain, même si eux-mêmes ont
perdu, à leurs propres yeux, cette dignité, par leur manière de se traiter, par
leur manière de prendre soin d’eux-mêmes ou plutôt, par leur manière de ne pas
en prendre soin.
Ce devoir d’humanité nous
sera toujours compté comme justice.
En effet, s’approcher de Dieu
nous rend plus humains, fait de nous de meilleures personnes, de belles
personnes.
La proximité de Dieu, ou la
familiarité avec Dieu nous donne un regard de « basse énergie » qui
nous fait voir les gens, qui nous fait voir les invisibles. Elle nous donne des
oreilles pour entendre les inaudibles, une oreille qui écoute, comme dit Ben
Sira le Sage, et un cœur pour comprendre les inintelligibles.
La proximité nous ouvre ainsi
les sens, car sa proximité nous entraine au fond de notre humanité, là où l’on
rencontre tous les êtres humains, c’est d’ailleurs le même mouvement que décrit
l’incarnation.
L’attrait pour la lumière,
même si c’est à travers des personnages publics, même si c’est en devenant leur
faire –valoir, cet attrait est très enraciné en nous. Mais ceci n’est pas un
défaut !
Ce phototropisme est un signe
du désir de la vie. Mais, si tous les chemins mènent à Rome, ils ne mènent pas
forcément à la vie.
C’est pourquoi il nous est
exhorté d’avoir l’humilité de chercher le chemin qui mène à la vie, ou d’avoir
la sagesse de chercher le chemin qui mène à la vie, de ne pas céder trop vite
au tropisme, surtout celui qui flatte trop facilement notre ego.
Ainsi, avoir l’humilité,
c’est désirer le meilleur !
En conséquence, à table,
quelle est la meilleure place ? Est-ce le fait d’être à la place de
l’invité d’honneur ou à proximité ? Est-ce me retrouver à côté de gens
obscurs, par humilité ?
À table, le repas nous
rassemble et nous ouvre à la rencontre, et la rencontre de ceux et celles qui
sont proches.
Désirer le meilleur ! La
meilleure place est celle de la rencontre, et c’est toujours par grâce qu’elle
se produit, comme nous l’affirme Martin Buber.
Ainsi, l’humilité ne saurait
consister à s’abaisser, à faire l’âne pour avoir du foin, ou de jouer la
comédie pour parvenir à ses fins.
L’humilité, c’est vouloir le
meilleur, vouloir la grâce, vouloir ce que l’on ne peut pas se donner à
soi-même, vouloir ce que le Seigneur seul peut donner.
En conséquence, je dois me
rendre disponible et mobilisable, car il m’appelle ici, il me sollicite par là,
il me fait voir ceci, me fait entendre cela : tous ces événements sont à
méditer dans mon cœur.
Je suis disponible pour faire
ceci, ou recommencer cela, car je ne poursuis ni grand dessein ni merveille qui
me dépassent, ou qui me projette dans la lumière.
Je veux simplement poursuivre
l’aventure avec lui, car c’est là que cela se passe ! Je le sais, car j’ai
maintenant suffisamment d’expérience dans la vie pour m’en être rendu compte.
Bien entendu, l’orgueilleux
ne peut me comprendre, car il est trop obsédé par sa propre personne. Il ne
comprend pas pourquoi je ne suis pas sur le même chemin que lui à la conquête
de la gloire. Il s’est inventé lui-même, et bien entendu, c’est très couteux de
se maintenir, mais c’est le prix à payer quand on devient un fauve. C’est
d’ailleurs bien connu, tous les fauves finissent par mourir de faim.
Alors, s’agissant de la
stratégie pour avoir la première place parmi les convives, faute de savoir désirer
la meilleure, le message plus subtil de Luc, c’est que Jésus lui-même s’est
présenté comme celui qui sert.
Il a inversé les règles de
bienséance. Il sert ceux qui devraient être en tenue de service.
Cette manière
contre-intuitive de faire par rapport à la logique du monde fait que le message
du Christ reste une nouvelle inédite.
Prions le Seigneur pour que
l’humilité nous soit donnée.
Amen.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire